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Découvertes

Contrairement aux réseaux sociaux classiques, "Strava veut vous éloigner des écrans", assure le CEO James Quarles

Dans le secteur des applis de sport, Strava fait figure de référence. Mashable FR a rencontré James Quarles, son CEO, qui assure que ce réseau social pas comme les autres "a un avantage à pousser ses utilisateurs à sortir de chez eux".

James Quarles, à Paris.
James Quarles, à Paris. Strava
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En suédois, Strava veut dire "se motiver à faire quelque chose, sans relâche". Ce mot est aussi le nom d'une appli d'enregistrement d'activités sportives utilisée par un peu plus de 31 millions d'utilisateurs dans le monde. Si son siège social se trouve en Californie, 80 % des utilisateurs vivent pourtant en dehors des États-Unis, ce qui témoigne de l’ancrage planétaire du service.

VOIR AUSSI : La carte du monde des "joggers" de Strava en dit long sur le manque de discrétion technologique des militaires

On peut le dire : en matière de plateforme pour amateurs de cyclisme et de course à pied, Strava domine le secteur. L'appli est même utilisée par nombre des coureurs du Tour de France, parmi lesquels on trouve le Français Romain Bardet dont l'historique des performances nous indique d'ailleurs qu'il vient d'avoir un "KOM" (King of Mountain) sur le col Portillon. KOM, c’est le nom des titres qui s’arrachent sur Strava : inspiré du maillot à pois du meilleur grimpeur, il récompense l'utilisateur le plus rapide sur un segment donné. En cette période de l’année où malgré la chaleur les athlètes continuent à se dépenser, nous avons rencontré James Quarles, le CEO de Strava, de passage à Paris ce mois-ci, pour lui poser plein de questions sur le réseau social des sportifs.

James, vous avez travaillé par le passé chez Facebook et Instagram. En quoi ces expériences vous aident-elles aujourd'hui chez Strava ?

Il est clair que j'ai appris dans ces endroits-là des leçons que je peux aujourd'hui appliquer chez Strava. Le fait d'axer le développement d'une application sur l'idée de communauté en est une. Je pense que ce que les gens aiment avec Strava, au-delà de ses fonctionnalités de partages de performances physiques, c'est son ancrage local et sa capacité à réunir les gens. Beaucoup ont l'impression de faire partie d'une communauté, qu'ils participent régulièrement ou non à mettre en ligne des contenus sur la plateforme. Il y a un sentiment de groupe : on fait du sport et on sait qu'on n'est pas seul à le faire. 

"On l'a vu avec Facebook : avoir un grand nombre d'amis n'est en rien gage de qualité de votre expérience sur le réseau social"

Nous cherchons aussi, avec Strava, à travailler sur la qualité des interactions plutôt que sur la quantité. On l'a vu avec Facebook : avoir un grand nombre d'amis n'est en rien gage de qualité de votre expérience sur le réseau social. L'objectif est au contraire d'aller vers une façon de communiquer qui aurait davantage de sens. C'est la même chose avec Strava : nous souhaitons que les utilisateurs trouvent leur intérêt à faire partie d'une communauté.

Ce que j’ai pu observer chez Instagram avec le Japon par exemple, c’est que les 10 comptes les plus suivis dans ce pays sont bel et bien japonais. En fait, même lorsque l’on pense qu’une appli est le fruit d’un état d’esprit Silicon Valley, elle trouve le moyen d’héberger une expérience très domestique. C’est la même chose pour Strava : l’appli a ses existences locales propres, selon les communautés dans lesquelles elle est déployée. 

Certaines personnes disent des appli sportives qu'elles sont au contraire très individualistes. Elles ne seraient qu'une façon de laisser des gens "se faire mousser" et flatter leur ego...

Et pourtant, le sport est intrinsèquement une activité très sociale. Sur Strava, on peut donner des "kudos" à ses pairs, ce qui est l'équivalent d'un high five ou d'une façon de les encourager à continuer, voire à aller plus loin encore. Le pouvoir de ce réseau social, c'est la communauté. Le regard des autres, ce n'est pas seulement un truc négatif devant lequel on se mettrait à genou. C'est aussi un élément moteur, qui peut vous motiver à vous réveiller à 5 h du matin pour aller courir parce que vous savez que d'autres personnes font la même chose à la même heure.

Ce qu'on observe avec cette appli, c'est que généralement les gens s'inscrivent d'abord parce qu'ils cherchent un endroit où conserver leurs performances ponctuelles, avant de, finalement, en cours de route, se retrouver à se surpasser. Strava devient alors leur journal de bord, qu'ils alimentent pour certains quotidiennement. Quand ce n'est pas pour enregistrer leurs séances de sport, c'est pour pianoter dans le réseau social et identifier des trajets à faire, s'inspirer, trouver des conseils.

Pensez-vous que les applis sportives ont changé quelque chose à notre façon de faire du sport ?

Il me semble que le fait de pouvoir partager ses statistiques sur une plateforme et consulter celles des autres a complètement décloisonné la pratique du sport. D'un coup, on se retrouve potentiellement confronté à des sportifs dans la même ville, des individus que l'on peut se contenter de suivre virtuellement pour regarder leur avancée ou que l'on peut même rencontrer dans la vraie vie. Avec Strava, nous tenons absolument à proposer des activités, des événements, des rencontres afin que les utilisateurs se retrouvent en chair et en os. C'est notamment le rôle des ambassadeurs Strava de réunir autour de ces manifestations.

L'objectif presque contre-intuitif de notre réseau social, c'est d'ailleurs que les utilisateurs passent le moins de temps possible derrière leur écran. Au contraire, nous ne voulons pas maximiser leur temps de connexion, nous les préférons dehors en train de suer. C'est bien de ça que se nourrit notre communauté : du sport. Nous encourageons d’ailleurs les sportifs à poster des photos de paysages et des portraits d’eux-même en train de suer, pas forcément des photos où ils sont sur leur 31. 

Mais en lançant l’année dernière une fonctionnalité permettant à vos utilisateurs de publier des posts qui ne sont pas des enregistrements d’activités sportives, ne les encouragez- vous pas quand même à alimenter davantage encore leur présence en ligne ?

C’est en observant le type d’interactions qu’ils ont dans les commentaires que nous nous sommes aperçus que nos athlètes sont souvent en demande de conseils. Ils ne cherchent pas simplement à partager leurs performances, mais aussi à échanger des avis sur différents sujets. Ce temps passé en ligne leur permet d’améliorer leurs expériences sportives. Depuis que nous avons lancé cette fonctionnalité, nous observons que les utilisateurs s’en saisissent par exemple pour poser à leur audience des questions comme ‘’je cherche à m’acheter une montre, laquelle me conseillez-vous ?’’ ou encore pour rédiger des ‘’Top 10 des conseils à suivre pour réussir sa rando’’. C’est en cela que Strava pousse continuellement ses utilisateurs à sortir de chez eux.

Avec la communauté d'utilisateurs dont vous disposez à travers le monde, avez-vous déjà envisagé de développer du hardware, comme par exemple des bracelets connectés ?

C'est une question que l'on nous pose parfois. Mais le hardware est un tout autre business encore. Se faire une place sur ce marché et être rentable, ce n'est pas simple. Or, les AppleWatch, Garmin et autres FitBit font déjà un excellent travail. Ce n'est pas dans nos envies de tenter de les concurrencer. Nous préférons rester concentrés sur nos missions premières, autrement dit être une plateforme connectée de sport. Surtout, si nous nous mettions à avoir notre propre matériel, il serait difficile pour nous de rester indépendant vis-à-vis des autres marques.

Rares sont les réseaux sociaux proposant un abonnement premium. Vous faites partie de ceux-là. Quels avantages un sportif peut-il avoir à y souscrire ?

Avec la densité des mesures d’efforts proposées par les montres connectées, un nombre croissant de personnes cherchent à connaître leurs données de fréquence cardiaque. Un abonnement premium propose non seulement cela lorsqu’il est rattaché à un cardiofréquencemètre, mais aussi un suivi intéressant pour ceux qui souhaitent vérifier l’évolution de leur condition physique via des graphiques.

L'entreprise Strava a été particulièrement mise en lumière il y a quelques temps, alors qu'étaient rendues publiques les positions de soldats américains et leurs alliés...

La possibilité de jouir d'un profil entièrement privé, ou partiellement privé, a toujours existé. Je n'avais personnellement aucune idée du nombre de soldats américains utilisant notre service à l'étranger. Toutes les activités que nous avons publiées étaient totalement publiques. Si par hasard certaines de ces activités n'étaient pas destinées à être publiques, nous espérons que les utilisateurs en question ont maintenant compris comment les rendre privées à l'avenir. Nous avons donc travaillé à simplifier le paramètrage des compte, puisqu’il en allait de notre responsabilité de le faire afin d’accompagner les utilisateurs vers un meilleur contrôle de leur données personnelles.

Venons-en d’ailleurs au sujet primordial des données personnelles : quels sont aujourd’hui vos sources de revenus majoritaires ? En tant qu’appli sportive à succès, garantissez-vous la protection de la vie privée de vos utilisateurs ? 

Notre modèle économique est principalement tourné vers les abonnements premium. Nous travaillons également avec certains réseaux de transports publics curieux de savoir comment les usagers se déplacent et s’il y a une interopérabilité dans les façons de se déplacer. Les données que nous leur fournissons sont évidemment anonymisées. Et nous ne trackons jamais les utilisateurs lorsqu’ils ne sont pas sur l’appli. 

En tant qu’utilisatrice ponctuelle de Strava qui apprécie surtout l’application pour sa fonction permettant de planifier des balades de type cyclotourisme, je m’interroge : allez-vous développer davantage cet usage ?

Le concepteur d’itinéraire est effectivement l’une de nos grandes fiertés. Nous aimerions encore améliorer ce service à l’avenir. Il serait par exemple fantastique de pouvoir proposer des informations toujours plus précises sur les meilleurs chemins à emprunter pour aller d’un point A à un point B. De façon générale, notre futur chantier chez Strava sera le suivant : permettre aux voyageurs de trouver une suggestion d’itinéraires selon l’endroit dans lequel ils se trouvent afin de maximiser leur expérience outdoor et leur découverte d’une région ou d’une autre. Mais les utilisateurs outdoor forment 1/3 des propriétaires de trackeurs. Les 2 autres tiers sont des sportifs indoor. Nous souhaitons également attirer ces athlètes sur l’appli. Pour l’heure, Strava est essentiellement utilisé par des cyclistes et des coureurs. Nous visons aujourd’hui les nageurs ou encore les amateurs de fitness.

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