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ÉTATS-UNIS

Espionnage sur Facebook : "pourquoi je poursuis Cambridge Analytica en justice"

Le juriste américain David Carroll explique à France 24 pourquoi il a déposé plainte, vendredi 16 mars, contre la société Cambridge Analytica, accusé d’avoir obtenu illégalement les données Facebook de 50 millions d’utilisateurs.

Parmi les données de 50 millions d'utilisateurs Facebook récupérées par Cambridge Analytica, il y a celles du juriste David Carroll qui a déposé plainte contre la société britannique.
Parmi les données de 50 millions d'utilisateurs Facebook récupérées par Cambridge Analytica, il y a celles du juriste David Carroll qui a déposé plainte contre la société britannique. Loïc Venance, AFP
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Il est l’un des 50 millions. David Carroll, professeur de droit à l’Université de New York, a été réduit sans son consentement, comme bon nombre de ces concitoyens, à un profil psychologique très pointu réalisé par la controversée société britannique Cambridge Analytica. Celle-ci a siphonné et analysé les données Facebook de 50 millions d'utilisateurs dans le monde, essentiellement aux États-Unis, à des fins de profilage politique.

>> À lire sur Mashable.fr : Ce qu'il faut savoir sur la polémique Cambridge Analytica et l'exploitation illégale des données de 50 millions d'utilisateurs de Facebook

Mais de toutes les victimes de cette opération de marketing politique sans précédent, mis en lumière par des enquêtes du Guardian et du New York Times, le juriste américain est pour l'instant le seul a avoir déposé plainte contre Cambridge Analytica, devant un tribunal britannique vendredi 16 mars.

David Carroll, électeur démocrate déclaré, entend récupérer le dossier établi à son sujet par cette société aux liens avérés avec le milliardaire ultra-conservateur américain Robert Mercer et qui aurait joué un rôle dans la victoire de Donald Trump à l’élection américaine de 2016. Il revient pour France 24 sur le sens de sa démarche inédite.

France 24 : Pourquoi poursuivre Cambridge Analytica devant les tribunaux britanniques ?

David Carroll : Après une première demande auprès de Cambridge Analytica, j’avais reçu, en mars 2017, un dossier très incomplet et insuffisant de leurs données sur moi. J’espère obtenir de la justice britannique l’intégralité de ces informations afin de mieux comprendre les conclusions auxquelles cette société a abouti à mon sujet et comment elle a pu s’en servir.

Je me suis tourné vers la justice britannique car Cambridge Analytica a analysé toutes les données sur le sol anglais et que le droit applicable y est plus protecteur de la vie privée qu’aux États-Unis.

Quelles informations vous ont été transmises et quelles sont celles qui manquent ?

Le dossier était un document succinct divisé en trois parties. La première contenait les informations sur mon profil électoral, telle que mon identité, mon âge, mon adresse et le district électoral auquel je suis rattaché. La deuxième résumait l’historique électoral dans mon district. Quant à la troisième, elle présentait un tableau de dix sujets politiques [immigration, éducation, valeurs morales, ou encore emploi] classés en fonction de l’importance que je leur accorde, selon Cambridge Analytica.

Le tout était accompagné d’un jugement sur ma propension à aller voter à l’élection présidentielle et d'une conclusion selon laquelle j’avais très peu de chance de pencher en faveur des républicains.

J’ai du mal à croire qu’ils n’ont que ça sur moi. D’abord parce qu’Alexander Nix, le PDG de Cambridge Analytica, a affirmé disposer de 4 000 à 5 000 types de données sur chacun des électeurs américains et que je n’en ai sous les yeux qu’une douzaine me concernant. Mais surtout parce que je ne comprends pas comment avec si peu d’informations, ces analystes ont pu tirer certaines conclusions. Par exemple, ils estiment que la question du droit de porter une arme arrive en troisième place de mes priorités politiques. Ils n’ont pas pu déduire ça de mon âge, mon adresse ou encore les habitudes de vote dans mon district. Il y a forcément autre chose. Je veux savoir quelles informations de mon profil Facebook a pu les pousser à estimer que j’attachais une telle importance à la question des armes à feu.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous aviez été ciblé par Cambridge Analytica ?

J’étais choqué et perturbé. Je savais que c’était une possibilité après avoir suivi l’actualité à propos du rôle de Cambridge Analytica durant la campagne électorale [la société est accusée d’avoir aidé le camp Trump à personnaliser les messages politiques en fonction des électeurs grâce à l’analyse de données Facebook, NDLR]. Mais y être confronté réellement est une autre affaire.

>> À lire : Un mystérieux milliardaire américain et un algorithme derrière la victoire du "non" au Brexit ?

Je me suis alors rendu compte que j’avais réellement participé, à mon corps défendant, à une campagne d’influence d’une élection. C’est pour ça, à mon sens, que ce scandale suscite des réactions plus vives que les autres cas de violation de la vie privée sur Facebook. Les gens constatent l’impact que cela peut avoir sur leur vie quotidienne. Alors que Donald Trump a perdu le vote populaire contre Hillary Clinton [la candidate démocrate a obtenu près de 2 millions de voix de plus que son adversaire au niveau national], les républicains ont peut-être obtenu l’avantage décisif au sein du collège électoral grâce aux données de Cambridge Analytica qui leur ont permis de mieux cibler les districts qui comptent.

Vous ciblez Cambridge Analytica, mais est-ce que Facebook est également responsable à vos yeux ?

Facebook a une responsabilité évidente. D’abord, les responsables du réseau social ont appris que Cambridge Analytica a récupéré les données illégalement en 2015, mais ils ont continué à travailler avec cette société en 2016 pour préparer la couverture de la campagne électorale.

Ensuite, Facebook a engagé Joseph Chancellor, fin 2015, alors qu’il s’agissait de l’un des deux cofondateurs de Global Science Research (GSR), la société qui a vendu à Cambridge Analytica les fameuses données sur les 50 millions d’utilisateurs Facebook ! Dans les deux cas on peut se demander pourquoi Facebook a toléré qu’une société qui a enfreint les règles du réseau social puisse continuer à y être active jusqu’à vendredi dernier, lorsque le scandale a éclaté.

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