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Découvertes

Surveillance de masse, données qui nous échappent : "Le Cercle" imagine des dérives technologiques pas si fictives que ça

Le roman "Le Cercle" de Dave Eggers décrit un monde à peine fictionnel dans lequel un immense réseau social prend peu à peu le contrôle de la société au travers d'outils technologiques liberticides. Fiction futuriste ? Pas si sûr.

Des caméras partout, des écrans partout, des commentaires tout le temps. Le bonheur ?
Des caméras partout, des écrans partout, des commentaires tout le temps. Le bonheur ? Mars Films
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*** ATTENTION SPOILERS : cet article contient des éléments de l'intrigue du roman "Le Cercle" de Dave Eggers ET de son adaptation cinématographique***

"Tout ce qui se produit doit être su" : voilà le mojo du Cercle, l'entreprise mondiale décrite dans le roman éponyme de Dave Eggers. Une intention au départ positive : permettre la transparence de la vie politique, rendre disponible toute la connaissance, toutes les archives, tous les lieux grâce à un partage virtuel à grande échelle. Tout cela dans le but de faire de l'Homme un être meilleur.

VOIR AUSSI : Souvenirs créés, souvenirs effacés : notre mémoire peut être hackée

Dans "Le Cercle" ("The Circle" en VO), Mae (l'héroïne) est embauchée par la fameuse entreprise et adhère vite à tous ses principes de partage et de savoir. Elle grimpe rapidement les échelons, dévoilant ainsi au lecteur l'ambition du Cercle : tout savoir, tout contrôler – et surtout tout le monde. Aujourd'hui, on peut encore échapper aux réseaux sociaux, se couper de la technologie – c'est même un droit – et garder certaines informations pour soi sans violer la loi ou subir l'opprobre général. Dans "Le Cercle", cette liberté chérie n'a plus lieu d'être.

Car comme le dit le cofondateur Eamon Bailey : "Savoir, c'est bien... Mais tout savoir, c'est mieux."

Cette phrase sonne presque comme l'adage des réseaux sociaux et entreprises tech actuelles, toujours avides d'en savoir plus sur nous. Et cette fiction, adaptée au cinéma dans le film "Le Cercle" avec Emma Watson et Tom Hanks, en salles le 12 juillet 2017, ne semble plus alors dessiner un futur dystopique lointain, mais un monde bien réel dans lequel on vit déjà.

Comme le dit Emma Watson dans une interview à Minutebuzz, "c'est ce qui rend [l'histoire] si dérangeante : ce n'est pas une possibilité pour le futur, c'est quelque chose qui arrive déjà maintenant."

Mashable FR a recensé quelques unes des technologies imaginées par Dave Eggers qui, en fait, existent déjà ou sont sur le point de naître. Frissons numériques.

Le Système opératoire unique et TruYou, un seul profil pour tout le Web

Le Cercle est le réseau social le plus puissant au monde – et le seul, comme un Facebook qui aurait mangé Google, Twitter, Snapchat, TripAdvisor, Paypal et consorts. Avec son profil TruYou (un seul mot de passe à retenir, on en rêve !), on "zing" – l'équivalent du tweet –, on partage photos, expériences, on promeut son entreprise, on demande un conseil de santé, on note tel restaurant ou tel hôtel, on fait ses achats en ligne. 

Toute notre activité numérique est ainsi répertoriée au même endroit, par une entité unique : Le Cercle.

Ce qu'a accompli Le Cercle, c'est l'objectif de nos réseaux sociaux. Chacun tente de nous garder sur son site ou son appli en y centralisant toutes les activités possibles et imaginables sur le Web. Sur Facebook on peut aujourd'hui publier et échanger avec ses amis, mais aussi créer des événements, noter des lieux, et effectuer des paiements. Sur Google, idem : on tient son agenda, on envoie des emails, on crée des documents avec Google Docs et on stocke ses photos et fichiers sur Google Drive. On peut même aujourd'hui y enregistrer la totalité de son ordinateur, qui sera donc sauvegardé dans les serveurs de Google. Pratique pour nous, mais aussi pour la firme.

Les comptes certifiés et la fin de l'anonymat

Dans "Le Cercle", on ne peut avoir qu'un seul compte, forcément certifié et correspondant à notre identité "officielle". Fini l'anonymat, et donc les trolls, les messages de haine, l'absence de responsabilité. Le Cercle – et tous ses membres – savent qui vous êtes.

Nos réseaux sociaux aimeraient aussi savoir qui nous sommes vraiment. En juillet 2016, Twitter a ouvert sa procédure de certification de compte à qui veut, à condition bien sûr d'envoyer une copie de sa pièce d'identité. Gmail nous invite à sécuriser notre connexion en double-vérifiant notre identité grâce à notre numéro de téléphone.

Quant à Facebook, sa stratégie est plus finaude : petit à petit, le réseau social nous encourage à livrer des informations personnelles. À l'occasion des élections législatives de juin 2017, le réseau social de Mark Zuckerberg se proposait de donner les résultats par circonscription... quand on lui donnait son adresse postale.

SeeChange, des caméras partout, tout le temps

C'est l'innovation majeure du Cercle dans le roman : une petite caméra à bas coût qui peut être installée partout dans le monde. Connectée au réseau SeeChange, ce qu'elle filme est accessible à tous les membres du réseau social. Eamon Bailey démontre ainsi qu'un enfant européen en fauteuil roulant pourra voir à quoi ressemble le Groenland, et donne à voir à son audience une manifestation en cours sur la place Tahrir du Caire, en Égypte, où des violences policières ont lieu. "Imaginez les conséquences en termes de droits de l'homme", conclut-il.

Google Street View photographie déjà tout ce qu'il voit dans la rue. L'outil de Google a ainsi immortalisé un vol en magasin, mais l'instantanéité lui manque pour devenir vraiment menaçant. Et la multiplication des Periscope, Facebook Live et autres diffusions en direct montrent qu'il y a une demande, une envie d'être connecté en live au monde qui nous entoure.

VOIR AUSSI : Sur Google Street View, les vivants retrouvent leurs morts

Le pendant de cette tendance, c'est la surveillance de masse, à un claquement de doigts de nous : de la caméra de vidéo-surveillance au babyphone posée sur l'étagère de la chambre de bébé en passant par toutes nos webcams et nos smartphones, notre espace est rempli de caméras. Les hackers y ont déjà accès d'ailleurs, ce qui a poussé des pointures du renseignement et de la tech à prendre leurs précautions : Mark Zuckerberg comme l'ancien directeur du FBI James Comey ont tous deux collé un petit bout d'adhésif sur la webcam de leur ordinateur. Il suffira d'un esprit génial, rassembleur et malsain pour nous permettre, dès demain, de s'épier les uns les autres jusqu'à la nausée.

La reconnaissance faciale en veux-tu en voilà

On tâtonne encore avec cette technologie, mais dans "Le Cercle" elle marche à merveille, et sert à tout (et rien) : reconnecter avec d'anciens amis ou membres de la famille, surveiller ses voisins (ah ?), retrouver des personnes portées disparues (pourquoi pas), ou d'anciens criminels sortis de prison (mais pourquoi faire ?). Grâce à la reconnaissance faciale et à ce magnifique partage des données, vous saurez tout sur l'identité de vos collègues et ils sauront tout sur vous – sans parler du niveau de stalking accessible à vos exs chelous.

Pour faire simple, "Le Cercle" est allé au bout de tous les usages possibles de la reconnaissance faciale. Et c'est exactement ce que les entreprises tech font en ce moment-même : déverrouiller un smartphone, repérer un visage endormi dans une salle de classe, trouver le sosie de Brad Pitt pour vous sur Tinder... Partout où il y a de l'image, il y aura bientôt du face tracking. Difficile d'échapper à ceux qui vous cherchent dans ces conditions. Dans le roman, le seul qui s'y essaie finit au fond d'un ravin.

Toutes les données médicales en open source

Mae, l'héroïne de "Le Cercle", porte dès la moitié du récit un bracelet connecté qui enregistre des données sur son état de santé, couplé à une petite puce qu'elle a avalée presque à son insu. Tous les résultats de ses visites médicales sont ainsi partagés sur Le Cercle, accessibles à tous. C'est chouette, le monde entier l'aide à diminuer son fort taux de nitrate dans ses aliments et sait si elle a effectué le nombre de pas conseillé dans une journée. Mais si elle attrape un cancer ou même un rhume, tout le monde le sait aussi.

Vous imaginez un monde où Apple ou Facebook tient à jour votre carnet de santé ? J'espère que oui, parce que ce sera bientôt le cas. En plus de travailler sur un wearable censé monitorer notre niveau de glycémie, Apple a pour ambition de faire de l'iPhone le lieu privilégié de stockage de nos données médicales, résultats d'analyse et dates des derniers vaccins compris.

VOIR AUSSI : Des médecins britanniques en sont réduits à utiliser Snapchat pour s'échanger des données sur leurs patients

Il n'est pas le seul d'ailleurs : afin de centraliser toutes les données médicales des Français et ainsi faire avancer la recherche, le gouvernement a lancé en mars 2017 le Système national des données de santé (SNDS). Les données sont ainsi accessibles aux professionnels de la santé, mais aussi à toutes les entreprises privées qui en font la demande. Sans compter les hackers qui ne demanderont pas l'autorisation.

TruYouth, pour préserver les enfants de tous les dangers

En voilà une innovation bien dérangeante. Pour protéger les enfants et empêcher les kidnappings ou autre événement tragique, le système TruYouth implante une puce dans chaque enfant qui le géolocalise, et permet à ses parents, aux autorités (et puis à tous les membres du Cercle pourquoi pas) de connaître sa position à tout instant. Si l'enfant sort d'une zone géographique prédéfinie (disons la maison, le jardin et le chemin jusqu'à l'école), les parents peuvent immédiatement être notifiés. Finis les baisers volés dans un parc, les "Je vais dormir chez Anna" alors que le charmant bambin a filé en rave party et autres folies de jeunesse.

Dans notre quotidien, de NOMBREUX gadgets existent déjà à cette fin. En fait il y en a tellement que les sites de tech font carrément des listes pour classer et conseiller les meilleurs d'entre eux. De la montre à la boucle de ceinture géolocalisés, tout y est.

Une jeune Française a même créé une application qui permet de lutter contre l'absentéisme à l'école en géolocalisant tous les élèves et en notifiant les parents des absents 10 min après le début des cours. Traîtresse. Toujours en France (décidément), la start-up de géolocalisation Zenly, récemment rachetée par Snapchat, avait initialement pour but de permettre aux parents de suivre la position de leurs enfants.

De toute façon, avec la reconnaissance faciale présente sur tous les systèmes vidéo, si votre enfant vous échappe vous aurez vite fait de savoir où il se trouve, et d'envoyer des drones le chercher par la peau des fesses. True story, ou presque.

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