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ÉGYPTE

Amesys revient pour servir d’outil de cybersurveillance massive à l’Égypte

L’Égypte aurait obtenu un outil de surveillance massive français en tout point similaire à celui que la sulfureuse société Amesys avait vendu à la Libye de Mouammar Kadhafi, affirme le magazine Télérama.

L'Égypte d'Abdel Fattah al-Sissi aurait acquis en 2014 du matériel de cybersurveillance français.
L'Égypte d'Abdel Fattah al-Sissi aurait acquis en 2014 du matériel de cybersurveillance français. Attila Kisbenedek, AFP
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Après la Libye, l’Égypte. Le nom d’Amesys, la sulfureuse société française qui avait vendu du matériel de cybersurveillance au régime répressif de Mouammar Kadhafi, vient de réapparaître dans l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi. Les autorités égyptiennes auraient acquis en 2014 un logiciel français de surveillance massive, qui leur a permis de traquer n’importe quel opposant, criminel ou supposé terroriste, révèle une enquête publiée par l'hebdomadaire Télérama, mercredi 5 juillet.

"Amesys récidive et fournit le même type de matériel à l’Égypte, une Égypte de répression massive au même titre que le régime de Kadhafi", a assuré Me Patrick Bauduin, l’avocat de la Fédération internationale des droits de l’Homme, lors d’une conférence de presse en réaction aux informations publiées par Télérama.

Amesys ou AMESys, Eagle ou Cerebros ?

En fait, l’Amesys de ce nouveau scandale n’est pas (tout à fait) le même que celui de 2011, lorsque le Wall Street Journal découvrait les preuves de ses affaires douteuses avec le régime libyen. Son propriétaire d’alors, le groupe informatique Bull a décidé de se délester de cette filiale trop encombrante pour sa réputation en 2012. Tout le savoir-faire en cybersurveillance est acquis par Stéphane Salies, directeur commercial d’Amesys version Bull, qui s’est empressé de créer une nouvelle structure baptisée, ironiquement, Advanced Middle East Systems (AMESys).

C’est elle qui va démarcher les pays de la région pour leur vendre du matériel de cybersurveillance. Selon Télérama, les Émirats arabes unis, soucieux d’aider leur "ami" égyptien à lutter contre les Frères musulmans, ont joué les intermédiaires entre Amesys 2.0 et le régime d’Abdel Fattah al-Sissi. Ce dernier acquiert pour 10 millions de dollars un bel outil clef en main de surveillance électronique massif qui ressemble de très près à Eagle, le fameux logiciel par lequel le scandale libyen est retombé sur la tête d’Amesys et de la France.

Stéphane Salies s’est efforcé de brouiller un minimum les pistes en changeant le nom du programme – qui s’appelle désormais Cerebro –, mais ses capacités sont les mêmes. Il permet de suivre à la trace et en temps réel n’importe quelle cible. Les communications par e-mail, chat, SMS et l’activité sur les réseaux sociaux n’ont plus de secret pour ce Big Brother qui a atterri entre les mains égyptiennes. Seuls les services de messagerie chiffrés – tels Telegram ou WhatsApp – échappent encore à sa vigilance.

Silence de l’État

La Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) craint que Cerebros servent aux mêmes desseins qu’Eagle. Ce dernier avait permis aux services libyens de renseignement d’appréhender des opposants et de les torturer. Les témoignages de cinq libyens, passés entre les mains de bourreaux à la solde de Kadhafi, avaient été recueillis par l’ONG qui s’en est servi pour déposer une plainte contre Amesys en 2011 pour "complicité d’actes de tortures". Une procédure qui est toujours en cours.

Pour Télérama, le scandale dépasse le simple cas d’AMESys et pourrait éclabousser l’État français. La société de Stéphane Salies n’a pas pu vendre son matériel d’espionnage à l’Égypte sans l’accord, au moins tacite, des autorités françaises. C’est semble-t-il ce qui s’est passé. Cerebros est considéré comme du matériel dual, c’est-à-dire que son usage premier est civil, mais peut être détourné à des fins militaires ou policières beaucoup moins avouables. À ce titre, sa vente à un pays hors de l’Union européenne nécessite une licence particulière, délivrée par une autorité qui dépend du ministère de l’Économie. Problème : en 2014, ce service de l’État a refusé de se prononcer, fermant ainsi les yeux sur une transaction des plus sensibles.

Un choix d’autant plus surprenant qu’un an plus tôt, Fleur Pellerin, alors ministre délégué à l’Économie numérique, avait déclaré que la France allait mieux contrôler l’exportation des technologies duales. Une mise en garde qui n’a pas empêché les dirigeants du nouveau Amesys de juger qu’ils pouvaient agir en toute impunité. Visiblement avec raison.

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