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Découvertes

Après l'eau et l'électricité, le numérique doit être la troisième denrée pour les territoires isolés

Un haut débit pour attirer les candidats au télétravail, un site pour assurer l'identité en ligne d'une commune, une plateforme pour mutualiser le travail des agriculteurs : oui, il y a urgence à inviter le numérique dans les territoires isolés.

Doulevant-le-Château, commune française, située dans le département de la Haute-Marne en région Grand Est.
Doulevant-le-Château, commune française, située dans le département de la Haute-Marne en région Grand Est. MyLoupe / Getty Images
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"Le numérique doit être une chance pour les zones rurales. C’est la troisième obligation après l’eau et l’électricité", estime John Billard, maire de Le Favril (Eure-et-Loir) et vice-président de l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF).

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Car dans l’imaginaire collectif, ce sont trop souvent les grandes métropoles qui ont le monopole des nouvelles technologies. Un peu comme si le numérique ne pouvait véritablement s’épanouir qu’au contact de l’urbanisme, de la centralisation des moyens de production et des cliquetis des attaché-cases sur le parvis d'un quartier d'affaires.

C'est vrai ça, à quoi servirait un smartphone dernier cri dans la vie quotidienne d'un agriculteur de petite exploitation ? De loin, les nouvelles technologies sont parfois perçues comme le vivier de sorties hardware uniquement attendues des fétichistes de la nouveauté et aficionados du consumérisme ; un produit chassant l'autre, sur un modèle de turn-over incessant.

Pour tordre le cou à cette contre-productive opposition entre rats des villes et rats des champs, le think tank Terra Nova et Google France présentaient, mercredi 11 janvier au Numa à Paris, un rapport sur le rôle du numérique dans les territoires isolés — ces communes dans lesquelles moins de 25 % des actifs travaillent dans une aire urbaine.

L'étude formule quelques propositions en faveur de la transition numérique au bénéfice d'une nouvelle approche : plutôt que d’appréhender le numérique sous l’angle de l’écosystème lui étant le plus favorable (autrement dit les villes), il y a un défi d’utilité publique à inverser la question en se demandant en quoi le numérique peut être favorable à des territoires isolés.

Des déserts numériques ?

Numériquement peu vascularisées, 3 576 communes françaises (c’est 10 % de leur total) connaissent aujourd’hui "un sentiment de décrochage", comme on peut le lire dans le rapport de Terra Nova et Google France. D’un côté, l’économie s’est métropolisée dans un mouvement de concentration des richesses en ville, de l’autre la fragilité des finances publiques a amaigri les budgets des territoires. C’est sans compter les sites industriels excentrés qui perdent en compétitivité face à la concurrence internationale. 

3 576 communes françaises connaissent aujourd’hui "un sentiment de décrochage"

Bien sûr, il serait faux de penser que smartphones, ordinateurs et connexion Internet sont totalement absents des territoires isolés. Mais un vrai manque à gagner demeure. En effet, certains territoires ont retrouvé un certain dynamisme démographique lié au solde migratoire, pas uniquement initié par l’arrivée de retraités mais aussi par celle d’actifs venus chercher un nouveau cadre de vie. Or, avec un débit inférieur à 2,5 Mbits/s, les 3/4 des communes isolées ne peuvent être envisagées par des candidats au télétravail. Par ailleurs, assouplir le cadre réglementaire du travail à distance, qui pour l'heure exige par exemple que le domicile du salarié soit forcément doté d'une sortie de secours, pourrait également inciter les entreprises à proposer cette option à leurs équipes.

Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres de l’urgence qu'il y a à enclencher une transition numérique dans ces communes.

La question de l’attractivité

Attirer les actifs est une chose. Attirer les touristes en est une autre. Or, avec l’économie collaborative, on s’aperçoit que le nombre d’hôtes a augmenté de 300 % entre 2013 et 2015 dans les territoires isolés. Au total, ce sont 123 000 personnes qui ont été hébergées via Airbnb plutôt que dans un hôtel. Sachant que 66% des communes avec une annonce Airbnb n’ont pas d’hôtel, il est intéressant de noter que la location de particuliers à particuliers génère des retombées économiques locales qui n'auraient pas été possibles autrement. D'autant plus qu'environ 1/3 des logements compris sur ces territoires sont en réalité des résidences secondaires.

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Mais une commune qui vit, c’est aussi une commune qui peut se vanter d’avoir une identité numérique. À commencer par un site Internet. En effet, une plateforme Web qui promeut les services d’une mairie permet non seulement de fédérer les habitants autour de son entité, mais aussi d'offrir "de l’épaisseur historique" à des communes, estime Thierry Pech, directeur général de Terra Nova. Un commentaire que confirme John Billard de l’AMRF : "Lorsque j’ai créé un site Internet pour ma commune, un couple qui vivait là depuis 30 ans m’a envoyé une lettre pour me remercier : ils avaient enfin compris pourquoi notre mairie se situait à 3 km de l’église", explique celui qui a profité du portail de la ville pour essaimer quelques explications topographiques. Sans parler du fait qu'en permettant à des gens de passage de trouver des informations sur une commune dans laquelle ils font une halte, un site Internet cristallise son existence.

Un vecteur de résilience

Mais accueillir le numérique dans les territoires isolés, ce n’est pas seulement travailler l’attractivité de ceux-ci. C’est aussi consolider le capital déjà existant de ces communes, notamment en optimisant les métiers traditionnels (comme ceux de la production agricole, par exemple) ou en valorisant le capital déjà existant à travers la mutualisation des ressources (comme on peut le voir dans certaines coopératives rurales).

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Pour cela, la création d'un "Office Régional Numérique" permettrait d'accompagner les entreprises dans une rationalisation de leurs services, suggèrent Terra Nova et Google. À plus long terme, intégrer l'enseignement de compétences numériques de base dans les formations professionnelles et continues favoriserait une vraie démocratisation des savoirs.

Ce virage est déjà amorcé depuis quelques années dans l'enseignement agricole, par exemple.

"Quel est le métier dans lequel il n’y a pas du tout de numérique ? En agriculture, il y en a partout"

"Quel est le métier dans lequel il n'y a pas du tout de numérique ? Il y en a certainement très peu. En agriculture, il y a du numérique partout", a estimé Mireille Riou-Canals, directrice de la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche au ministère de l’Agriculture. En novembre 2016, une nouvelle chaire "AgroTIC" est née dans l'objectif de favoriser la diffusion des technologies numériques pour l’agriculture.

Synthétiser l'intelligence collective

Après les chèques de transformation numérique et des projets comme celui de France Mobile, plateforme de traitement des problèmes de couverture mobile, le numérique a encore un brin de chemin à faire pour intégrer les territoires isolés. Parce qu'il est vecteur d'inclusion civique lorsqu'il met en relation des professionnels ou encore parce qu'il lutte contre l'invisibilisation de villages, dont seuls 23% ont encore une boulangerie, le développement technologique des territoires isolés est leur prochaine grande métamorphose.

L'occasion peut-être de renforcer des dispositifs déjà existants comme les "Maisons de service au public" ou encore le Réseau de la médiation numérique, et surtout, d'entamer rapidement un changement des mentalités.

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