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SOMMET DE SINGAPOUR

La fulgurante mue médiatique de Kim Jong-un

Dirigeant du pays le plus fermé de la planète, Kim Jong-un a profité du sommet de Singapour pour apparaître sous un jour plus avenant. Une transformation qui porte déjà ses fruits. Mais pas au point de devenir fréquentable pour tout le monde.

Graffiti sur un mur de Los Angeles représentant le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
Graffiti sur un mur de Los Angeles représentant le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Mario Tama, AFP
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À quoi pense Kim Jong-un en se coiffant ? Le dirigeant nord-coréen songe-t-il intégrer le concert des nations respectables ? Ou, encore mieux, recevoir un jour le prix Nobel de la paix ? S’il est encore trop tôt pour connaître la réelle portée de la rencontre historique, mardi 12 juin, entre le dirigeant nord-coréen et le président américain Donald Trump, il est une certitude : Kim Jong-un a opéré une impressionnante mue médiatique. En un temps que l’on peut considérer comme record dans la temporalité diplomatique, il est passé du statut de pire dictateur de la planète à celui de dirigeant bonhomme tendant la main à ses anciens ennemis.

>> À lire : "Mission accomplie" pour Kim Jong-un au sommet de Singapour

Il y a encore un an, rares étaient ceux qui auraient pu imaginer le maître de Pyongyang serrer la main de Donald Trump devant une enfilade de drapeaux nord-coréens et américains. Mais s’il est un événement que personne n’avait prévu, c’est bien la balade nocturne que Kim Jong-un a tranquillement effectué devant les caméras du monde entier dans les rues de Singapour, lundi soir. Celui qu’on n’avait alors vu qu’à travers des images de propagande en train d’inaugurer d’austères sites nucléaires ou de saluer des quarterons de généraux sur-médaillés s’est ainsi laissé aller, quelques heures durant, à d’inoffensives badineries. Loin des parades militaires et des visites d’usines, on a vu un Kim Jong-un se promener dans un hôtel de luxe devant des clients éberlués ou se prendre au jeu du selfie avec le ministre singapourien des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan. Un autre monde.

Kim Jong-un posant pour un selfie avec le ministre singapourien des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan, dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 juin, à Singapour.
Kim Jong-un posant pour un selfie avec le ministre singapourien des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan, dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 juin, à Singapour. Nicholas Yeo, AFP

Certes, la rencontre intercoréenne du 27 avril dernier avait déjà été l’occasion pour Kim Jong-un de se montrer sous un jour plus jovial, mais cette nuit du lundi 11 au mardi 12 juin, dont on doute toutefois qu’elle ne fut pas préparée au millimètre, restera comme celle où il est devenu un chef d’État comme les autres, un dirigeant dont on ne fantasme plus les actes de cruauté mais un leader, dont on peut commenter l’attitude et le physique, telle cette respectable journaliste de CNN qui s’interroge sur Twitter : "Kim Jong-un a-t-il perdu du poids ??"

"Nous sommes en train d’assister à la naissance du ‘Kim-Jong-un, homme d’État à la carrure internationale’, analyse sur le site de la BBC, Jean Lee, ancien directeur du bureau Associated Press de Pyongyang. On est à mille lieues des débuts, en 2010, où cet héritier au visage poupon avançait vers l’inconnu. Maintenant qu’on sait qu’il dispose d’une force balistique intercontinentale, Kim se présente en dirigeant d’un pays se considérant comme une puissance nucléaire à égalité avec les autres puissances nucléaires du monde, y compris les États-Unis."

Kim Yo-jong, l'autre visage de la Corée du Nord

Cette nouvelle image de dirigeant en quête de respectabilité, Kim Jong-un la doit beaucoup à sa sœur Kim Yo-jong, qui prépare et accompagne désormais tous ses déplacements. C’est elle, d’ailleurs, qui avait officiellement représenté Pyongyang lors des derniers Jeux olympiques d’hiver en Corée du Sud. Jusque-là inconnue hors des frontières nord-coréennes, elle avait quelque peu tordu le cou aux préjugés en apparaissant aux yeux du monde entier comme une jeune fille affable et moderne. Le régime nord-coréen avait donc un autre visage. Et il était plutôt rassurant.

>> À lire : Kim Yo-jong, de l'ombre de son frère, Kim Jong-un, à la lumière des JO

L’entreprise de dédiabolisation porte progressivement ses fruits. Outre Donald Trump qui s’est dit prêt à convier à la Maison Blanche l’ancien dictateur honni, plusieurs dirigeants – certes pas tous très fréquentables – ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils étaient prêts eux aussi à le rencontrer. Vladimir Poutine a ainsi invité le leader nord-coréen à se rendre à Vladivostock en septembre. Quant au président syrien, Bachar al-Assad, il se verrait bien faire un saut à Pyongyang.

Restent les chefs d’État et de gouvernement européens. Peu de chance en effet qu’Emmanuel Macron, Angela Merkel ou Theresa May acceptent à court terme de poser aux côtés de Kim Jong-un. Tout du moins pas avant que le régime de Pyongyang ait tiré un trait définitif sur son arsenal nucléaire et qu’il n’ait réalisé de progrès significatifs en matière d’ouverture avec ses voisins. Pour beaucoup, la transformation de Kim Jong-un est si fulgurante qu’elle ne peut être, pour l’heure, que de façade. Le pouvoir nord-coréen devrait en effet mettre davantage de temps pour rompre avec un isolement datant de l’ère soviétique.

>> À lire : L'essentiel du sommet historique entre Kim Jong-un et Donald Trump

Il n’y a qu’à voir la délégation nord-coréenne présente à Singapour pour se rendre compte que Pyongyang n’a pas encore fait table rase du passé. Kim Jong-un n’a pas fait le déplacement dans la cité-État qu’avec sa sœur. Comme le rappelle le journal britannique The Guardian, parmi les négociateurs dépêchés sur place figurent des apparatchiks du régime qui n’ont pas toujours eu des mots doux à l’égard de Washington.

Et puis, il y a les affaires intérieures. Pays parmi les plus fermés au monde, la Corée du Nord sera-t-elle prête à jouer la transparence ? Ou continuera-t-elle à verrouiller un système dont, au final, on ne sait peu de choses si ce n’est qu’il est l’un des plus oppressifs au monde. Lors de la conférence de presse tenue en marge du sommet de Singapour, Donald Trump s'est abstenu de répondre à toutes les questions portant sur les droits de l'Homme en Corée du Nord. Aucun dirigeant, en tous cas, ne peut prétendre à une respectabilité totale ou à un Nobel de la paix s’il s’évertue à cacher ce qui se passe chez lui. Kim Jong-un y songe-t-il quand il se coiffe le matin devant son miroir ?

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