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Afrique

L'Afrique aussi a son «Gorafi»

Vous avez souri devant Le Gorafi ? Vous allez vous bidonner devant State Afrique. Ce site moque l’actualité du continent à travers de faux articles humoristiques… parfois pris au premier degré.

Vue du site parodique sur l'actualité africaine, «State Afrique».
Vue du site parodique sur l'actualité africaine, «State Afrique». Capture d'écran
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« Le Mali vient de faire l’acquisition d’un sous-marin nucléaire ultramoderne d’occasion d’Europe. Objectifs : en finir avec les jihadistes du Nord et peser sur l’échiquier international ». Cette nouvelle farfelue a été publiée sur State Afrique, une parodie de site d’information qui anime la toile depuis juin 2017. Sur cet équivalent du désormais célèbre Gorafi français ou du précurseur The Onion américain, on peut également s’amuser du programme spatial burkinabè ou des bus volants guinéens.

« Ce site est essentiellement un mélange d’autodérision et d’humour de mauvais goût et volontairement de mauvaise foi, s’amuse « Ramata Souley Tall », rédactrice en chef tout aussi fictive du site d’information. Il n’y a pas vraiment d’objectif si ce n’est de mesurer la capacité du public africain à distinguer le vrai du faux ».

Des internautes piégés

Malgré l’évidence de certains gags et les avertissements de circonstance, ils restent nombreux à tomber dans le piège, surtout pour des articles moins invraisemblables. Ainsi, lorsque State Afrique annonce que l’armée tchadienne est prête à intervenir en Libye pour lutter contre l’esclavage, des internautes n’y voient aucune supercherie.

« Bon courage à eux », salue l’une d’entre elles sur Facebook, où le lien a été partagé près de 20 000 fois. « Merci pour votre bravoure », renchérit un autre. Plus ennuyeux, un confrère se fait avoir à son tour en s’étonnant de l’orthographe du nom du pays concerné : « Lybie » au lieu de « Libye ».

Faudrait-il rendre les avertissements plus visibles ? « Ils sont là et la plupart des références dans le contenu sont tellement grossières qu’il suffirait de deux minutes pour se rendre compte qu’il s’agit d’humour, rétorque Ramata Souley Tall. Ne pas capter le caractère farfelu de ces contenus relève de la paresse ».

En parcourant l’article sur les Tchadiens et la Libye, on ne peut qu’avoir des doutes quand on voit l’officier interrogé parler d’opérations militaires pour renflouer les caisses du pays : « Quand on a une armée aussi puissante que la nôtre, il faut savoir l’utiliser. Nos petits soldats s’ennuient un peu. Ils ont besoin d’action. Et si cela peut mettre du beurre dans les épinards, c’est encore mieux ».

En France, il avait fallu un bon moment avant que Le Gorafi ne soit clairement identifié par tout le monde comme une vaste blague. Entre autres, le journaliste Christophe Barbier avait publié un billet sur son blog pour démentir « les allégations » du site potache et l’ancienne ministre Christine Boutin avait cité très sérieusement la même source lors d’un direct à la télévision.

Rire mais avec prudence

La dizaine de farceurs qui se cache derrière State Afrique préfère rester discrète. Les rédacteurs sont issus de métiers très différents. Certains sont informaticiens, d’autres graphistes ou même chômeurs. Ils sont basés aussi bien en Erythrée qu’au Niger ou en Côte d’Ivoire. Nous n’en saurons pas beaucoup plus : ils préfèrent taire leurs identités réelles et refusent même de nous répondre par téléphone, craignant pour leur sécurité.

« Nous sommes en Afrique, justifie Ramata Souley Tall. Jusqu’à preuve du contraire, la culture de la liberté d’expression n’est pas d’actualité. Il suffit de lire les commentaires pour se rendre compte de la violence de certaines contributions. Nous ne voudrions pas que quoi que ce soit arrive à l’un de nos rédacteurs parce que quelqu’un n’aurait pas trouvé drôle un article ou un autre ».

Il est vrai que dans les commentaires, insultes et menaces ne cessent de fuser à l’encontre des auteurs. Une tension d’autant plus visible lorsque les articles humoristiques visent des personnalités fortement clivantes, notamment politiques. Lorsque les auteurs imaginent, par exemple, un débat entre Charles Taylor, Laurent Gbagbo et Jean-Pierre Bemba sur les charmes du zouglou et du coupé-décalé.

Derrière les rires, les auteurs de State Afrique défendent un message fort : ils dénoncent la crédulité et le manque de recul de nombreux Africains. Comme ailleurs dans le monde, la rumeur est nourrie de façon exponentielle par la viralité des réseaux sociaux et nombreux sont les internautes à ne pas vérifier les informations qu’ils consomment et relaient.

C’est d’ailleurs le plus inquiétant dans le discours de Ramata Souley Tall : « Il ne faut pas vraiment chercher longtemps pour trouver des sujets susceptibles de faire réagir. Il suffit de faire le tour de la plupart des sites d’actualité et même de journaux africains "sérieux" et d’en évaluer la qualité pour se rendre compte que nous ne faisons pas pire. C’est sans doute pour cette raison que certains reprennent aveuglément nos contenus en les faisant passer pour du contenu sérieux ».

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