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ENVIRONNEMENT

Climat : l’appel de Macron aux chercheurs étrangers laisse perplexe les scientifiques français

Une cinquantaine de chercheurs devraient être sélectionnés en novembre parmi les 255 candidatures déposées sur le site public "Make Our Planet Great Again". Mais au sein du monde de la recherche, l’initiative d’Emmanuel Macron passe plutôt mal.

Au soir du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, le 1er juin, Emmanuel Macron avait critiqué la décision de Donald Trump et appelé les chercheurs américains à venir travailler en France.
Au soir du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, le 1er juin, Emmanuel Macron avait critiqué la décision de Donald Trump et appelé les chercheurs américains à venir travailler en France. LCI / AFP
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Le "coup de com'" d’Emmanuel Macron va-t-il se traduire par des résultats concrets ? Quatre mois après son fameux "Make Our Planet Great Again" lancé à la communauté scientifique américaine le 1er juin, au soir du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat pour l’inciter à venir travailler en France sur les enjeux climatiques, une cinquantaine de chercheurs sont en passe d’être sélectionnés.

Après la mise en ligne d’une plateforme, le 8 juin, permettant de recueillir les candidatures, le CNRS s’est vu confier la mission de sélectionner les meilleurs profils. L’organisme public a reçu 255 dossiers complets, représentant 41 nationalités dont 45 % d’Américains, et a opéré une première sélection courant septembre pour ramener à 90 le nombre de candidats.

>> À lire : "Make Our Planet Great Again", l'Élysée à la pêche aux scientifiques sur le Web

"Nous avons choisi les meilleurs parcours académiques, explique Anne Peyroche, directrice générale déléguée à la science du CNRS, en charge de piloter le projet, interrogée par France 24. Cette première phase de sélection a essentiellement été basée sur le CV et les réalisations scientifiques des candidats. Il y a maintenant une deuxième phase de sélection lors de laquelle les 90 scientifiques aujourd’hui sélectionnés doivent présenter la nature précise de leur projet."

"Des profils de très haut niveau"

Les chercheurs ont jusqu’au 31 octobre pour boucler leur dossier. Puis, un jury international mis sur pied par l’Agence nationale de la recherche (ANR) fera la sélection courant novembre. Et pour ceux qui n’auront pas eu le temps de ficeler tous les détails de leur projet avant fin octobre ou ceux qui auront été recalés lors de cette première session, une session de rattrapage se déroulera courant janvier. Au total, ce sont donc 50 chercheurs qui obtiendront des fonds compris entre 1 million et 1,5 million d’euros pour des programmes de recherche d’au moins trois ans en France.

Sur les 90 candidats toujours en compétition, 42 % sont Américains et 62 % travaillent actuellement aux États-Unis. Quarante d’entre eux ont un profil junior, à savoir moins de 12 ans d’expérience depuis leur thèse, contre 50 qui ont plus de 12 ans d’expérience avec un âge moyen de 45 ans.

>> À lire : Macron trolle Trump sur l'accord de Paris

"Il y a clairement des profils de très haut niveau, assure Anne Peyroche, qui refuse toutefois de livrer le moindre nom tant que la sélection finale n’est pas faite. Il n’était pas évident pour moi qu’on puisse attirer des chercheurs de ce standing, notamment en raison du niveau des salaires pratiqués en France. Mais ce sont des gens qui considèrent que les conditions dans lesquelles ils font aujourd’hui leur travail sont dégradées – ce qui est plutôt inquiétant par rapport à la situation aux États-Unis. Cela confirme également ce que l’on savait déjà, à savoir que nos laboratoires sont reconnus internationalement."

Or, ce dernier point est précisément l’une des raisons qui ont fait tiquer la communauté scientifique française. Car si l’appel d’Emmanuel Macron a visiblement suscité de l’intérêt auprès du public étranger visé, il n’a toutefois pas été reçu aussi chaleureusement dans les laboratoires de l’Hexagone.

Accueil mitigé au sein de la communauté scientifique française

"Nous avons de très bons chercheurs en France, en particulier dans le domaine du réchauffement climatique, dont certains sont membres du GIEC [Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, NDLR], ce qui prouve que nous n’avons pas à rougir de nos performances scientifiques", souligne Olivier Berné, astrophysicien au CNRS contacté par France 24 et membre du collectif RogueESR, qui se bat "pour un projet juste et ambitieux dans l’enseignement supérieur et la recherche en France".

Olivier Berné questionne également la volonté réelle de l’Élysée de faire de la recherche sur les questions climatiques, l’une de ses priorités. "L’enveloppe affectée pour faire venir ces chercheurs – 60 millions d’euros – n’est pas conséquente au regard du budget global de la recherche en France qui est de 27 milliards d’euros et, surtout, il ne s’agit pas d’argent frais, souligne-t-il. C’est une enveloppe qui était déjà affectée à la recherche dans le cadre du programme des investissements d’avenir, il n’y a donc pas eu d’effort particulier."

"Notre modèle est aujourd’hui en péril"

En revanche, symboliquement, allouer cette somme, même relativement faible, pour faire venir des scientifiques étrangers en France passe mal auprès de chercheurs qui se plaignent depuis plusieurs années de manquer de moyens. "On dépense 60 millions d’euros pour une initiative peu pertinente à un moment où cet argent aurait été par exemple mieux dépensé dans l’université, estime Olivier Berné. Pour nous, c’est difficile à avaler, ça ne correspond pas au coup de pouce que l’on attendait. Or, si la France est un pays attractif avec un haut niveau scientifique, c’est notamment parce que notre modèle, avec des postes permanents, offre une certain qualité de vie. Mais ce modèle est aujourd’hui en péril."

Même si elle comprend les réserves d'une partie de la communauté scientifique française, Anne Peyroche préfère voir le verre à moitié plein. "Il faut voir cet appel du président comme une chance pour nos laboratoires car c’est toujours une bonne chose de favoriser la circulation des cerveaux, juge-t-elle. Ces chercheurs vont apporter avec eux leur culture, leur façon de travailler, leur façon de voir les choses et surtout développer de nouveaux projets qui intéressent nos laboratoires. Tout cela va produire des échanges positifs au sein de notre écosystème de recherche et devrait amener de nouvelles collaborations avec des laboratoires étrangers."

Emmanuel Macron, lui, se frotte les mains. Il devrait sans doute présenter au monde entier les chercheurs sélectionnés à l’occasion de la célébration des deux ans de l’accord de la COP 21, le 12 décembre, à Paris. Une belle nouvelle opération de communication en perspective.

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