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Grande Guerre : le football, sport roi popularisé dans les tranchées

Pendant un mois, des millions de fans de football vont avoir les yeux rivés sur la Coupe du monde au Brésil. Devenu le sport numéro un, il doit son essor à la Première Guerre mondiale, il y a tout juste cent ans.

L'équipe de football du 50e régiment d'infanterie
L'équipe de football du 50e régiment d'infanterie Michel Merckel
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Le 13 juillet prochain, dans le stade du Maracaña de Rio, les vainqueurs du Mondial 2014 soulèveront leur trophée devant des milliards de téléspectateurs. Cette Coupe du monde, objet de toutes les convoitises, a été remise pour la première fois en 1930 à l’équipe de l’Uruguay. Mais combien de stars actuels de la planète foot se souviennent qu’à l’époque, et jusqu’en 1970, ce trophée portait le nom de Jules Rimet, un ancien poilu français ?

Jules Rimet en 1933
Jules Rimet en 1933 Wikipedia

Fondateur du club du Red Star à Paris et de la fédération française de football, ce passionné du ballon rond est à l’origine de cette compétition planétaire. Profondément marqué par la Grande Guerre, ce lieutenant d’infanterie, devenu président de la Fifa en 1921, a œuvré toute sa vie pour rapprocher les nations à travers le sport. "C’était un humaniste. Après le conflit, il a dit 'plus jamais ça'", raconte à FRANCE 24 Michel Merckel, professeur d'éducation physique et auteur de l’ouvrage, "14-18, le sport sort des tranchées". "Au lendemain de la guerre, on a relancé tout de suite les compétitions. À chaque fois, les Allemands ont été bannis, mais Jules Rimet voulait faire un grand événement réunificateur. C’est pour cela qu’il a créé la Coupe du monde de football".

"Un sport de gens oisifs et aisés"

Après la "boucherie" des tranchées, Jules Rimet a très vite compris qu’il disposait d’un outil formidable de paix. En l’espace de quatre ans, le football a en effet connu une croissance exceptionnelle et s’est imposé dans la vie de millions d’hommes. Comme l’explique Michel Merckel dans son livre, la pratique sportive ne faisait pas partie du quotidien des Français avant 1914 : "Les classes populaires n’avaient pas le temps au niveau matériel et financier de faire du sport. Les conditions de vie étaient très dures. La France était aussi très rurale. (...) Le football s’est développé au sein de la bourgeoisie durant le Second Empire. C’était un sport de gens oisifs et aisés".

Mais la guerre va s’avérer être un terrain propice pour développer le ballon rond et le diffuser au sein de toutes les couches de la société. Loin de leur village et de leur famille, les "poilus" connaissent l’enfer des combats dans les tranchées, mais ils passent aussi de longues heures à l’arrière du front. "Quelques soldats ont amené avec eux leur ballon de foot, de rugby ou leurs gants de boxe. Durant leurs moments libres, ils initient leurs copains. C’est comme cela que s’est mis en place le sport français. C’est un moyen de survie et cela permet d’oublier la guerre".

Une charge ballon au pied

Dans un premier temps, l’état-major français ne voit pas d’un très bon œil le football, et lui préfère la gymnastique militaire ou encore le rugby, plus porteur d’engagement physique et de combat. Mais les officiers français vont peu à peu changer d’avis et suivre ainsi l’exemple de l’armée britannique. Pour Michel Merckel, le tournant a lieu le 1er juillet 1916 : "C’est le déclenchement de la bataille de la Somme. Ce jour là, face aux mitraillettes allemandes, des régiments britanniques sont sorti des tranchées avec des ballons de football, dont le célèbre capitaine Nevill (Wilfred Nevill du 8e bataillon du régiment royal du East Surrey, NDLR). Ils se sont fait massacrer, mais ils sont entrés dans la légende. Le lendemain, cette histoire a 'fait le buzz' sur la ligne de front. Les Français comprennent alors que le sport est plus qu’un anticafard. Il est porteur de valeurs humaines".

Contrairement à la France, le football est déjà une véritable religion en Grande-Bretagne et les "Tommies" n’ont pas attendu la guerre pour se passionner pour le ballon rond. À leurs côtés, une grande partie des soldats français et ceux de l’armée coloniale vont se laisser prendre par cette fièvre du football. " Il y va y avoir énormément de rencontres qui vont se faire entre les Alliés. Les Français, qui jouent comme des gamins, d’une façon spontanée, prennent une leçon de football. Les Anglais connaissent déjà le dribble, les feintes de passe et le jeu collectif. Cela va faire progresser la pratique", résume Michel Merckel.

http://www.queensroyalsurreys.org.uk

Désormais convaincus de l’utilité de ce sport, l’état-major organise de véritables championnats à l’arrière et fournit des équipements aux soldats. Dans une directive datée du 3 juin 1917, le général Philippe Pétain encourage même les pratiques sportives afin de reconquérir la confiance des hommes et empêcher les mutineries qui se multiplient.

Les premières fédérations

En novembre 1918, alors que les obus cessent enfin de tomber et que les armes sont remisées, le football poursuit son irrésistible ascension. Devenu le sport roi dans l’Hexagone, il déplace les foules : les anciens soldats sont aussi désormais de fervents supporters. Pour structurer cet incroyable essor du sport, les premières fédérations sont rapidement créées. La fédération française de football voit le jour en 1919, suivie par celle de rugby et d’athlétisme en 1920. La Coupe de France de football est lancée dès 1917 et porte le nom de Charles Simon, ancien joueur et dirigeant mort au combat en 1915.

En ce début de Coupe du Monde, il est important pour Michel Merckel de ne pas oublier ces pionniers. Selon lui, "les Bleus" sont les héritiers directs de ces poilus footballeurs : "Quand j’ai vu Didier Deschamps soulever la Coupe du Monde en 1998, ils ont communié d’une certaine façon ensemble. Ces gens-là nous on apporté cette culture". De cette expérience extrême de violence durant la guerre, les hommes ont su tirer des valeurs de fraternité : "Durant le Mondial, on va voir des joutes entre tous les pays. Je préfère les voir aujourd’hui s’affronter sur un terrain de foot que dans les tranchées".

Michel Merckel

 

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