Accéder au contenu principal
Découvertes

Revenu de base : "Payés à ne rien faire ?" Pas vraiment

Que feriez-vous avec 750 euros en plus sur votre compte bancaire, sans contrepartie, tous les mois ?

Une employée de Microsoft se sert de son téléphone.
Une employée de Microsoft se sert de son téléphone. BLOOMBERG / GETTY IMAGES
Publicité

Ce mercredi 9 mars, le Sénat va examiner une proposition de résolution, portée par les élus écologistes, suggérant au gouvernement de mettre en place un "revenu de base" en France. L’objectif est double. D’abord, reconnaître le droit de chacun à recevoir une aide financière (dont le montant n'est pas encore fixé) lui permettant de subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Ensuite, donner un coup de pied dans le système d’allocations actuel, très bureaucratique et lourd.

Pour que le projet de société qu’inspire le revenu de base ait du sens, il faut qu’il soit inconditionnel, versé dès la naissance et cumulable avec tout autre revenu. "Payés à ne rien faire ?" Les défenseurs du revenu de base rappellent qu’en son temps, le débat autour des congés payés avait suscité le même type de réactions. Aujourd’hui, cette avancée sociale est un acquis. Et surtout : des expériences, notamment en Namibie, ont montré que le revenu minimum garanti avait permis une augmentation de la production locale (les habitants n’ayant plus eu besoin de lutter pour leur propre survie, ils ont pu consacrer leur temps à des activités marchandes profitant à toute la communauté).

Nous étions hier plus de 80 à l'assemblée générale du MFRB. Une riche année s'annonce ! #revenudebase pic.twitter.com/5lECDFubu6

— Revenu de base (@revenudebaseFr) 7 Mars 2016

Loin de n’être que l’utopie qu’on l’accusait d’être il y a encore peu, cette idée est en train de faire son chemin – jusqu’à être débattue un peu partout dans le monde, proposée en référendum cette année chez nos voisins suisses ou encore expérimentée à l’échelle régionale en Finlande. À l’heure du numérique, de Wikipédia et des "commons", elle séduit également de plus en plus le milieu de la technologie. Pourquoi ?

L'automatisation des tâches

À terme, 42 % des métiers en France pourraient être automatisés, indique ce rapport sur la transformation digitale. Proposé par le Conseil national du numérique, la piste du revenu de base pourrait répondre à ce problème. "Est-ce vraiment obligatoire de travailler pour avoir le droit d'être quelqu'un ?", se demande David Latapie.

Pour ce militant "technoprogressiste" (une "couleur" du transhumanisme dont l'objectif est d'améliorer la condition humaine par la technologie), il est évident qu’il faut "désacraliser la valeur travail et revaloriser la valeur engagement". D’autant plus que l’économie numérique, et donc l’économie collaborative, va de plus en plus automatiser les tâches et peu à peu supprimer les qualifications intermédiaires. Ne resteront finalement que les emplois soit très qualifiés, soit très peu qualifiés.

Moins d’emplois proposés sur le marché pour toujours plus de demandeurs. Posée en ces termes, la situation semble inextricable. Mais il faut changer de paradigme pour soudain y voir plus clair : en valorisant le travail non-rémunéré, qui n’est pas un emploi mais dont les fruits profitent quand même à la collectivité, le revenu de base pourrait permettre à chacun de trouver sa place dans la société. "Le bénévolat, que ce soit à la Croix-Rouge ou pour contribuer à Wikipédia, sera reconnu comme une réelle activité. En fait, c'est déjà beaucoup le cas : le troisième concours d'entrée dans la fonction publique reconnaît les activités associatives et bénévoles", poursuit David Latapie.

Pour déprolétariser la société

Mais, faut-il le répéter, les robots ne sont pas les ennemis de la transformation sociale. Pour Bernard Stiegler, philosophe français qui observe les mutations de notre société sous l’angle des technologies numériques, ils peuvent même nous assister dans la mise en place d’économies contributives locales.

Celui qui est à l’initiative du groupe de réflexion prend l’exemple du logiciel libre : un produit qui permet de partager des savoirs plutôt que de les posséder. Ce raisonnement pourrait être élargi à l’industrie : "Réseaux énergétiques intelligents, où nous ne sommes plus consommateurs mais curateurs d’énergie, re-matérialisation (imprimante 3D...), agriculture (AMAP, Open Source Ecology...)", développe le philosophe intérrogé par le site Romaine Lubrique.

"La numérisation est en train d’engendrer une automatisation colossale, bien plus importante que celle que l’on a connue par le passé. Il se prépare une mutation de la production : on n’aura plus besoin de producteurs, sauf dans des cas marginaux" poursuit-il, convaincu que le modèle taylorien est mort : "C’en est fini de l’économie du XXe siècle : captation de la propriété, exclusivité de l’exploitation, redistribution par le salaire, promesse de pouvoir d’achat, etc."

Pour Bernard Stiegler, il devient nécessaire de "repenser complètement la redistribution ; on va plutôt vers une société du savoir nous permettant de retrouver et développer nos capacités (ce qui était auparavant empêché par la prolétarisation)". Dans cette perspective, "il ne faut surtout pas détruire le statut d’intermittent du spectacle mais au contraire... le généraliser, en proposant à tout le monde un revenu contributif de base". Pour le résumer : chacun pourrait alors jongler (sans mauvais jeu de mot avec l'intermittence) entre un statut où il développe ses capacités et un autre où il les met en pratique.

Des start-up qui se lancent

"Une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à m’intéresser à ce revenu minimum pour tous, c’est parce qu’il y a trop de gens talentueux qui n’ont jamais pu créer une entreprise uniquement parce qu’ils n’ont pas été chanceux dans ce tirage au sort qu’est la naissance", explique Sam Altman, président de l'incubateur de start-up de la Silicon Valley "Y Combinator".

Offrir un revenu de base aux citoyens pourrait donc en inciter plus d'un à entreprendre. Mais sur ce blog du Monde diplomatique, Evgeny Morozov met en garde : et si la Sillicon Valley ne s'enthousiasmait pour le revenu de base que parce qu'elle assume le fait de mal rémunérer ses petites mains ? "Le revenu garanti est souvent perçu comme un cheval de Troie au service des compagnies high-tech qui cherchent à se donner une allure altruiste – le bon policier, par opposition au méchant policier de Wall Street – pour mieux éliminer les derniers obstacles sur la voie de leur hégémonie. Adieu, encombrantes vieilleries de l’État social ; adieu, régulations qui protégeaient encore un peu les droits des travailleurs ; adieu, questionnements pénibles sur la propriété des données personnelles extorquées aux internautes, comme sur les infrastructures qui les engendrent", pointe le chercheur en progrès technologiques.

Pour ce faisceau de réflexions en tout cas, le revenu de base prouve qu'il n'est ni une idée de gauche, ni une idée de droite, mais bien un concept apartisan dont les débats ont au moins l'avantage de nous faire remettre en cause la fameuse valeur travail.

Quelque chose à ajouter ? Dites-le en commentaire.

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine

Emportez l'actualité internationale partout avec vous ! Téléchargez l'application France 24

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.