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Découvertes

Blogs de voyage : quand s'évader devient un business

De plus en plus de blogueurs voyageurs parviennent à prendre la route sans devoir travailler à côté ou casser leurs tirelires. En misant sur le sponsoring, ils vont de pays en pays et sont rémunérés pour raconter leurs aventures.

De plus en plus de blogueurs voyageurs arrivent à financer leur tour du monde grâce au sponsoring.
De plus en plus de blogueurs voyageurs arrivent à financer leur tour du monde grâce au sponsoring. Piti A Sahakorn / Getty Images
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"Plus tard, je voudrais gagner ma vie à être backpacker." Qu'auraient répondu les conseillères d'orientation de nos collèges, il y a quelques années ? Aujourd'hui pourtant, cette profession de rêve est un plan de carrière tout à fait sérieux.

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Bruno est devenu blogueur "un peu par hasard", parce qu'il a toujours beaucoup aimé voyager. Plus jeune, en BTS communication puis en école de commerce, il s'est souvent débrouillé pour effectuer ses stages à l'étranger. Après un stage apprécié à l'Institut français de Francfort, il s'est vu proposer une mission à distance. Le déclic.

"C’est à ce moment-là que j’ai signé mon premier job de 'digital nomade'. J’étais devenu le graphiste d’un Institut pour lequel je pouvais travailler même si je me situe à des milliers de kilomètres de ce dernier", explique le jeune homme.

Depuis, Bruno n'a pas cessé de travailler et voyager en même temps. "Les opportunités n’ont jamais été aussi nombreuses pour les citoyens de découvrir notre monde", assure-t-il, en égrenant les visas permettant aux baroudeurs de gagner leur vie à l'étranger : le Programme Vacances-Travail, le Working Holiday Visa, sans compter le Volontariat international en entreprise (VIE) ou encore le réseau de bénévolat HelpX, qui certes ne permet pas d'être rémunéré mais offre au moins le gîte et le couvert en échange de quelques heures de travail.

Mais être sur la route pendant 6 mois, 1 an, voire plus, c'est souvent devoir renoncer au confort financier d'un contrat stable. Or, de nombreux blogueurs cherchent aujourd'hui à faire plus que voyager sur leurs économies ou en travaillant à côté. Ils veulent désormais se trouver des sponsors afin de financer une partie du voyage en nature (en se faisant offrir produits ou services) ou via un don financier.

Les blogs de voyage, nouveau vecteur de publicité

Il faut dire que la reconnaissance des blogs de voyages comme média influent gagne du terrain. Bien sûr, elle est encore globalement balbultiante : ainsi, selon Piotr Kroczak qui tient le blog Bien Voyager depuis 2011, "il existe encore des acteurs du monde du tourisme qui, tels d’irréductibles gaulois, n’ont pas encore intégré les changements de l’ère du numérique".

Pour celui qui a également fondé le Collectif de blogueurs outdoor TeamAventuriers, le principe de collaboration avec les blogs de voyage gagnerait à être plus connu. Car pour l'heure, "le simple fait de gagner sa vie avec son blog interpelle. Quand, comment, combien ?" Les informations restent obscures.

Le simple fait de gagner sa vie avec son blog interpelle. Quand, comment, combien ?

 

Pourtant, sur la Toile, les "success stories" suscitent tous les jours des vocations chez les aspirants voyageurs de canapé. Un petit tour sur les forums suffit à voir comme les internautes s'interrogent : "Comment trouver un sponsor avant mon tour du monde ?", "Quels types de documents dois-je envoyer ?", "Combien de voyages faut-il avoir déjà fait pour convaincre un sponsor ?"

Fragmentaires, les conseils s'éparpillent ci et là, souvent au petit bonheur la chance : "N'écris même pas à Décathlon et au Vieux Campeur, ils ne répondent jamais", "Précise ton nombre de visiteurs uniques", "Les tours en Australie intéressent moins"...

Benjamin du blog partir-voyager.com, lui, est un de ces chanceux dont les aventures font rêver : "Mon blog me permet de financer mes voyages, sur lesquels je peux ensuite écrire des articles. Alors que demander de mieux ?"

Mais du côté des sponsors, la sélection est rude. "Nous délivrons des pass aux blogueurs voyageurs qui adorent prendre la route et sont capables de rapporter des récits de voyage susceptibles de plaire à notre audience", explique ainsi Interrail, sans plus de détails sur le vrai cahier des charges. Alors si les candidats sont nombreux à se bousculer au portillon, les sélectionnés, eux, restent rares.

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Au plus grand dam de ceux qui donneraient tout pour voyager sans devoir faire un emprunt ou s'arrêter à chaque ville pour enchaîner quelques boulots de serveur. En comparaison, le sponsoring est l'échange de bons procédés idéal : "Cela permet aux voyageurs de faire connaître leur projet dans un contexte différent du contexte familial ou amical et de faire connaiître leur blog de voyage à un cercle plus étendu de personnes. Pour les entreprises sponsors, cela offre du contenu nouveau, permet d’associer la marque avec des projets de terrain, et de donner une dimension sociale et dynamique à l’entreprise", analysent Caro et Quentin du blog Pimp my trip.

Monétiser par la pub a ses limites

Pour monétiser un blog, les internautes voyageurs peuvent miser sur différentes options : la publicité Adsense (Google vous envoie des chèques, mais cela n'est intéressant que si vous avez déjà plusieurs centaines de milliers de visiteurs par mois), les articles sponsorisés (la rémunération peut être mirobolante mais les marques s'intéressent surtout aux blogs qui ont plusieurs milliers de lecteurs par jour) ou encore l'affiliation (vous proposez des produits à acheter aux inscrits à votre mailing list).

De plus en plus de blogs publient des dossiers de sponsoring

 

Interrogés par Mashable FR, plusieurs blogueurs mentionnent des étapes de monétisation différentes selon l'audience. "La pub par affichage est le premier niveau, accessible à tous. Mais à moins de 50 000 lecteurs par mois, autant ne même pas y penser : ça ne rapportera pas grand chose, à part embêter le lectorat avec une bannière, qui en plus de ça agacera forcément et peut empêcher de fidéliser parce qu'elles sont toujours perçues comme de l'arrivisme", explique un baroudeur.

Quand le contenu éditorial est la principale marchandise

Un niveau intermédiaire consiste, lui, à publier des articles sponsorisés, "mais en général, ce sont les marques qui te contactent, et pour ça, il vaut mieux déjà avoir quelques mois d'existence et être bien référencé". "C'est aussi plus de boulot, parfois une pirouette éditoriale : le blogueur doit rédiger un contenu propre et réussir à intégrer la publicité sans qu'elle ne gêne le vrai fond, celui que les lecteurs sont venus chercher", développe un autre blogueur voyageur. Et là encore, le travail ne peut être pré-mâché : par exemple, le recours aux liens DoFollow, qui maximisent le référencement dans Google, peut être pénalisé par le moteur de recherche.

Dans tous les cas, il n'existe pas de grille de rémunération unique. "Les prix vont de plusieurs dizaines d'euros à environ 1 000 euros l'article, selon la notoriété du blogueur. Mais l'autre face de la pièce, c'est la perte de capital sympathie auprès d'un lectorat suspicieux", puisque la mention "article sponsorisé" ou "article rédigé en partenariat avec" reste une obligation légale.

Ainsi, il est difficile de quantifier exactement les revenus potentiellement dégageables. D'autant qu'en plus de dépendre de l'audience du blogueur, de la marque et du produit vendu, un autre paramètre entre en compte : celui de la saisonnalité. On comprend sans mal que les annonces pour remontées mécaniques se multiplient à l'approche de l'hiver tandis les offres de billets d'avion pour l'Espagne affluent forcément en été. Un sponsor n'est donc pas toujours le même en juillet ou en décembre. 

Des blogueurs (re)connus qui marchandent leur influence

Mais le summum de la reconnaissance, le Saint Graal, celui qui ne s'obtient qu'après plusieurs années de publications fidèlement suivies par une communauté, c'est la vente de produits propres : une application voyage (comme c'est par exemple le cas du voyageur Ryan Lesacados, qui a lancé Budget My Trip, une appli qui "permet de gérer et d'optimiser son budget voyage en temps réel selon le pays où on se trouve"), des heures de formation (le cycle Bloguer pour voyager, très reconnu dans le milieu) ou encore un e-book (celui de Fabrice, qui se décrit comme "voyageur indépendant", est un bon exemple).

"Le fait d'être sponsorisé par Interrail ne nous oblige pas à dire du bien de telle ou de telle destination"

 

Pour se faire repérer par les agences et les marques, de nombreux blogueurs mettent en ligne leur "mediakit", une page web dans laquelle ils expliquent leurs projets, leurs chiffres et les partenariats déjà noués. C'est par exemple le cas du site "Vie Nomade" et du blog "J'ai une ouverture", qui détaille jusqu'aux prix des chaussettes de marche et des t-shirts acryliques dans une fiche budget.

Une grosse charge de travail

Reste que voyager et être payé à le faire n'est pas toujours une partie de plaisir, tiennent à rappeler les blog-trotters. "Il ne suffit pas de vouloir faire le tour du monde pour intéresser les entreprises, il faut avoir une idée originale", prévient Bruno du site Votre Tour Du Monde. "Ne croyez pas qu’il est possible de faire fortune simplement en écrivant quelques articles et en les partageant à vos amis, ce n’est pas aussi simple que ça ! Un blog demande pas mal de travail et surtout de la persévérance", fait également valoir Benjamin du blog partir-voyager.com.

Même son de cloche chez Bruno, qui concède : "Aucun job n’est parfait, et le fait d’être digital nomade ne déroge pas cette règle. Il m’arrive de me sentir isolé dans mon travail après avoir passé des heures seul à cravacher devant mon écran… Il m’arrive de ne pas gagner autant d’argent que prévu, de perdre des contrats". Avant de très vite reconnaître : "Mais c’est aussi ça, le prix de la liberté, même à 24 ans. De pouvoir avoir voyagé en Malaisie la semaine dernière, de pouvoir découvrir les splendeurs des Philippines dès la semaine prochaine..."

Savoir ce qu'on peut apporter à une entreprise sans compromettre sa ligne éditoriale, la démarcher et nouer un sponsoring avec succès... Tout ça représente une charge de travail conséquente. Ainsi, Joe et Nico du blog on-the-road-again.com sont soutenus par de nombreux partenaires : le site de voyages BeGlob, le label de musique Believe Digital, le site de partage de photos Pikeo, le magazine auto-moto Auto India... ce qui les a notamment contraints à fournir deux reportages écrits, intégrer certaines chansons à leurs vidéos ou encore réaliser des "J'ai testé pour vous".

Pas de problème éthique avec les sponsors ?

Mais le sponsoring des blogs de voyages n'est pas comparable à celui des blogs mode, maquillage ou tech. "Le fait d'être sponsorisé par Interrail ne nous oblige pas à dire du bien de telle ou de telle destination, tandis que mal noter un rouge à lèvres, c'est prendre le risque que la marque de cosmétiques nous boude", explique Fabien.

Une GoPro, des guides Lonely Planet pour tous les pays qu'il a visité, un pass Interrail...

 

Les blogueurs voyageurs sont donc nombreux à être à l'aise avec l'idée du sponsor (qui aide financièrement ou matériellement un voyageur avant son départ mais jamais n'intervient dans le voyage en question) plus qu'avec celle des billets sponsorisés (qui sonnent toujours comme des encarts pub maladroits). Ils listent les marques qui les soutiennent, à l'instar de Will Hatton : en effet, celui qui tient le blog thebrokebackpacker.com, a reçu une GoPro pour filmer ses aventures, des guides Lonely Planet pour tous les pays qu'il a visité, un pass Interrail, une voiture prêtée par Auto Europe pour ses deux semaines passées dans les Balkans, une carte SIM Mobal pour toutes ses communications dans le monde...

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De toute façon, "je n'ai qu'un objectif : inspirer les gens, les inviter à quitter leur bureau pour prendre la route", assure celui qui se décrit comme "aventurier professionnel". Des fiches "Voyageur professionnel", "Blogueur nomade"... vont-elles bientôt devoir faire leur entrée dans les classeurs de l'Onisep ? "Ne me demandez pas ce que je fais exactement pour voyager autant. Demandez-vous plutôt ce que vous faites pour ne pas pouvoir le faire !", lance Bruno, sans détour.

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