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Découvertes

Comment Universal Music opère sa mue entre streaming, data et réseaux sociaux

La révolution du streaming a bouleversé toute l'industrie de la musique, obligée de s'adapter et de revoir jusqu'à sa direction artistique. Rencontre avec Olivier Nusse, président d'Universal Music, le plus gros label de musique en France.

Bildquelle/ullstein bild via Getty Images
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Après quinze ans de déclin, le marché de la musique est reparti à la hausse en 2016 et poursuit depuis doucement sa reprise. Cette année 2018 devrait d’ailleurs marquer une bascule où les ventes numériques dépasseront les ventes physiques. Car oui, l’industrie doit cette remontée inespérée à l’arrivée d’un nouveau mode de consommation de la musique : le streaming.

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Cette mutation radicale de l’industrie de la musique, aussi marquée par l’avènement des réseaux sociaux et la course à l’analyse des données à l’ère du big data, pousse les majors à faire évoluer leur façon de travailler. En marge du Midem, le marché international de l’édition musicale, nous sommes allés à la rencontre d’Olivier Nusse, président d’Universal Music France, pour comprendre comment le plus gros label de l’Hexagone vit cette révolution.

Le métier du playlist pitcher

"Les modes de consommation de la musique n’ont jamais cessé d’évoluer. Les différents changements de support, du vinyle au download, en passant par la cassette ou le cd, n’avaient pas fondamentalement modifié la manière de rémunérer les artistes ou de consommer la musique", rappelle Olivier Nusse à Mashable FR. "Mais l’arrivée du streaming, et la rémunération de sa consommation, a été un vrai bouleversement. Jamais un usage n’avait eu autant de conséquences, bonnes ou mauvaises, sur l’ensemble de nos métiers."

En 2018, si le cœur de métier d’Universal Music France est toujours le même qu’à sa création vingt ans plus tôt – "découvrir des talents, produire des titres et construire des carrières" – force est de constater qu’il existe de nouveaux rôles dans cette entreprise. À commencer par le job de playlist pitcher, qui consiste à placer les titres des artistes du label dans des playlists sur Spotify, Deezer ou désormais YouTube Music, des plateformes de streaming devenus des médias prescripteurs comme l’étaient (et le sont toujours) les radios.

"Notre catalogue doit être bien mis en avant dans les bonnes playlists"

"Avant, le challenge, c’était de faire en sorte que les disques qu’on défendait soient bien mis en avant dans les points de vente. Aujourd’hui, c’est que notre catalogue et nos titres soient bien mis en avant dans les bonnes playlists", compare Olivier Nusse. Et ces playlists, il en existe des milliers, regroupées par genre ou par mood, créées par les plateformes elles-mêmes, mais aussi par des médias, des influenceurs ou des anonymes. Universal publie également ses propres playlists sous la marque Digster, qui enregistre "4,5 millions de followers" sur les différents services de streaming.

En contrepartie, ces écoutes massives véhiculent des tas de données de consommation qui, une fois analysées, permettent à Universal Music de perfectionner son expertise. En avril 2017, la major signait un nouvel accord avec Spotify qui lui donnait "un accès sans précédent aux données, créant les bases à de nouveaux outils pour permettre aux artistes et labels d'étendre, de pousser et de tisser des liens plus forts avec les fans". "Et il n’y pas que Spotify", précise Olivier Nusse, "on croise nos données avec plein de partenaires et on développe aussi nos propres outils de data."

En tout, la stratégie numérique, l’analyse de données ou encore le playlist pitching occupent "pas loin de 40 personnes" parmi les quelque 500 employés d’Universal Music France.

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Plus de place à la découverte ?

En parallèle de l’évolution des modes de consommation de la musique, le développement des réseaux sociaux a participé à faire basculer les choses. "L’arrivée du digital, qu’on a vécu comme un truc effrayant où tout le monde pouvait copier et pirater la musique, a aussi été fantastique parce que ça a permis à toute une population de pouvoir découvrir des artistes et réagir très tôt sur des titres", explique le successeur de Pascal Nègre. "Et nous de pouvoir sentir quelles étaient les tendances et quels publics s’intéressaient à nos projets."

La combinaison du streaming et des réseaux sociaux laisse-t-elle plus de place à la découverte et à l’émergence de nouveaux artistes ?  Avec la multiplication des canaux directs de diffusion, il semble être plus facile aujourd’hui pour des "jeunes" interprètes de se faire connaître et d’exister avec un seul morceau ou un seul clip. Avec ou sans major à leurs côtés. Les percées phénoménales de Stromae (Universal) ou plus récemment PNL (Musicast) et Moha La Squale (Warner) en sont les preuves.

"C’est vrai que dans les années 1980 en France, on avait l’impression que c’était toujours un peu les mêmes gros artistes qui tenaient le marché", réagit Oliver Nusse pour Mashable FR. "Or depuis le début des années 2000, il y a eu tous les ans des nouveaux qui ont eu des succès incroyables. Et je pense qu’on peut l’expliquer par la capacité qu’on a à être beaucoup plus en prise avec des premiers cercles de public, à aller toucher les gens en direct." Quitte à aller parfois "à l’encontre de toutes les data possibles et imaginables" pour "construire des histoires fortes totalement singulières", promet-il.

La musique urbaine au cœur de la stratégie

"C'est la première fois qu’un mode de consommation à un effet sur notre stratégie artistique"

Mais le plus surprenant sans doute, c’est que ces profonds changements de consommation de la musique ont une influence jusque sur la direction artistique de la major. "On estime que 60 à 65 % de ce qui est écouté en streaming, et donc des revenus, c’est de la musique urbaine – ou à tendance urbaine pour englober plus que le rap. Donc il faut avoir des équipes capables de développer ces projets-là, de découvrir des talents et de les convaincre de nous rejoindre", explique Olivier Nusse. "Il faut être très fort sur cet univers et pouvoir répondre à la demande puisque c’est ce qui nourrit le streaming".

Et ça a l’air de bien fonctionner puisque ces dernières années, la grande majorité des "nouvelles stars" du genre que sont Nekfeu, Damso, MHD, Dadju, Niska ou même Eddy de Pretto sont tous signés chez Universal.

Le patron d’Universal ne s’en cache pas, "c’est la première fois qu’un changement de mode de consommation à un effet même sur notre stratégie artistique". Mais il en est convaincu, l’émergence de cette nouvelle génération de talents de la musique urbaine, en plus d’être durable, aura permis de "donner un coup de fouet à l’ensemble de la création."

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