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Découvertes

Une comédienne accuse JCDecaux d'avoir censuré une affiche montrant le corps nu de Simone de Beauvoir

Une affiche pour une pièce de théâtre aurait été boudée des panneaux JCDecaux et des colonnes Morris au motif... qu'on y voit une femme nue. En l'occurrence Simone de Beauvoir. C'est en tout cas ce que rapporte cette comédienne.

L'écrivaine féministe Simone de Beauvoir (à gauche) et son compagnon Jean-Paul Sartre.
L'écrivaine féministe Simone de Beauvoir (à gauche) et son compagnon Jean-Paul Sartre. Moshe Milner/Wikipedia Commons
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Censurer un cliché artistique de corps de femme nue, vue de dos... N'est-ce pas un brin puritain ? À moins que ça ne soit cynique, dans un paysage urbain chargé d'images publicitaires de femmes ultra-sexualisées. Mais si en plus le corps censuré est celui de Simone de Beauvoir, figure historique du féminisme français, n'est-ce pas tout simplement de la provocation ?

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Le 19 juin, la comédienne Camille Lockhart a partagé sur Facebook une longue publication, soutenant que l'affiche du spectacle dans lequel elle jouera en septembre 2017 a été censurée par JCDecaux, les colonnes Morris et la RATP. À quel motif ? On y voit une femme nue, de dos et face à un miroir. Et pas n'importe laquelle : il s'agit de Simone de Beauvoir.

Comme le précise l'actrice, sur la photo : "Pas l'ombre d'un téton ou d'un pubis. Juste une belle paire de fesses charnue". Donc pas de raison officielle ou valable de censurer l'image.

JCDecaux, contacté par le Parisien, dément avoir censuré l'affiche et invoque "une décision en attente". "Aucune décision n'a encore été prise sur l'affiche de son spectacle, pour deux raisons", explique une représentante du groupe. "L'une juridique, on réalise une étude sur les droits de la photo d'Art Shay. L'autre est que la nature dénudée de la photo nous a obligé à demander l'avis de l'ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) sur la diffusion de cette image. Nous pensons d'ailleurs qu'il sera positif."

"Nous suivons ce processus pour toute illustration posant la question de la représentation d'un corps, homme comme femme, et même sur d'autres sujets comme la représentation d'armes et de violence, mais ça prend un peu de temps", rajoute une représentante de JC Decaux, contactée par Mashable FR. "Il faut nous laisser le temps de faire notre travail pour éviter toute complication juridique !"

Une photo historique et polémique

"Chers censeurs moyen-âgeux qui posez vos grosses couilles sur la table, il s'agit du derrière potelé de la femme dont nous portons la voix", continue la comédienne, "Il s'agit d'une des figures les plus brillantes de son temps, qui s'est battue pour faire entendre la parole des femmes, de toutes les femmes". Triste et ironique, effectivement, de voir censurées les fesses d'une auteure qui s'est battue toute sa vie pour l'émancipation des femmes.

Cette photo de la féministe française a été prise par le photographe américain Art Shay, à l'époque jeune apprenti, en 1952. Ayant accompagné Simone de Beauvoir dans un appartement où elle devait faire sa toilette – porte ouverte – il immortalise la scène une dizaine de fois. L'écrivaine le remarque et lui dit simplement "Vous êtes un vilain garçon".

Les négatifs sont ensuite mis de côté, et la photographie oubliée. Mais en 2008, à l'occasion du centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir, elle est exhumée par le Nouvel Observateur, qui en fait sa couverture. En retouchant le corps de la féministe française.

Le journal s'en expliquera auprès du Monde en soutenant qu'ils ont juste "un peu atténué les contrastes qui faisaient bizarre au niveau des jambes". Mais le mal est fait, et la polémique reprend régulièrement vie, comme avec l'affiche officielle du festival de Cannes 2017, représentant Claudia Cardinale photoshoppée et amincie.

Le corps féminin, éternel tabou

"Aujourd'hui, en 2017, en France, à Paris, on censure une photographie d'art, avec un cul innocent, sous prétexte que... que quoi, en fait ?", s'interroge Camille Lockhart sur sa page, "Qu'un corps de femme c'est sale ? Qu'un corps, tout court, c'est sale ?"

"Pas l'ombre d'un téton ou d'un pubis. Juste une belle paire de fesses charnue"

La jeune actrice exprime son amertume de voir qu'"en 2017, on censure une paire de fesses et on laisse vivre les images publicitaires vulgaires et putassières pour vendre une bagnole, un soutif, des yaourts ou un adultère sur Internet."

Voir ainsi des œuvres d'art censurées au motif qu'on y aperçoit un bout de chair féminine, à une époque où les corps se dévêtent avec facilité, est déconcertant. Sur les réseaux sociaux aussi, la pudeur des modérateurs interroge : le 8 juin, une vidéo de la Fondation de l'Hermitage a Lausanne voyait l'une de ses vidéos censurées pour avoir représenté la nudité, en l'occurrence une peinture de femme nue d'Amadeo Modigliani.

De même sur Instagram, qui fait depuis plusieurs années la chasse au téton, même lorsque la photo représente une simple scène d'allaitement. Des différences de traitement qui laissent à penser que le corps de la femme n'est pas convenable, ou porte dans certains aspects de sa nudité atteinte à la pudeur. Avoir honte de son corps est ainsi devenu le quotidien de beaucoup de femmes, conscientes que leurs formes dérangent, que leur nudité choque. Pourtant, comme le dit Camille Lockhart, la photographie censurée de Simone de Beauvoir est celle d'une femme "qui laisse voir son corps, parce qu'elle l'aime son corps, et que son corps est beau, parce que c'est un corps humain."

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