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Découvertes

"A Cure For Life", "Shutter Island" : l’hôpital, ce lieu de tous les fantasmes au cinéma

Le film “A Cure For Life” met en scène un héros pris au piège d’une équipe de médecins aux intentions floues dans un lieu coupé du monde. Le scénario parfait pour jouer avec notre peur du milieu hospitalier et des blouses blanches.

Capture d’écran YouTube / 20th Century Fox
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Un château magnifique baigné de lumière, perché au sommet d’une montagne des Alpes suisses, entouré d’une nature verdoyante. C’est dans ce décor idyllique qu’atterrit Lockhart, jeune cadre ambitieux et propre sur lui, au début du film “A Cure For Life”, de Gore Verbinski, dans les salles françaises mercredi 15 février. Un lieu enchanteur, qui devient le cadre d’un thriller psychologique angoissant.

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Chargé de ramener un de ses supérieurs aux États-Unis, le héros se retrouve vite piégé dans ce “centre de bien-être” aux allures d’hôpital de luxe pour riches personnes âgées. La station thermale, vantée pour son eau aux vertus réparatrices, regorge en fait de secrets effrayants.

Comme dans de nombreux films du genre, le héros de “A Cure For Life” devient malgré lui le patient – prisonnier – d’un centre isolé où il perd ses repères, contraint et manipulé par une équipe médicale qui ne semble pas lui vouloir que du bien.

L’hôpital, lieu de toutes les vulnérabilités

"Le cinéma est une usine à fantasmes", analyse Guy Lesoeurs, psychanalyste et auteur du livre “La santé à l’écran”, joint par Mashable FR. “L’hôpital incarne la santé, le rapport au corps, une priorité pour chaque être humain. C’est le lieu idéal de représentation de ces fantasmes.”

L’hôpital est culturellement un endroit qui inspire la confiance : on y est pris en charge, soigné. Mais sa complexité crée une sorte de mystère, qui suscite l’imagination, le fantasme, la paranoïa.

Les accès réservés au personnel sont une terra incognita dont on ignore le contenu, le fonctionnement. “Il y a un vrai mystère autour de l’hôpital, de ses recoins”, résume Guy Lesoeurs. “Et puis l’hôpital ne serait pas complet sans la morgue, qui fait écho à notre peur de la mort.”

Derrière les portes fermées et les salles interdites survient – du moins dans notre imagination – souvent le pire. Un sous-sol secret est le berceau des images les plus terribles : “L’hôpital est un lieu propre et aseptisé, on ne peut pas imaginer que quelque chose de sale s’y passe”, analyse le psychanalyste. Les expérimentations malsaines et sadiques ont alors lieu sous nos pieds, car “sous terre, c’est le lieu du crime. On sauve des vies dans l’hôpital, et on les reprend dans son sous-sol.”

Dans “A Cure For Life” comme dans “Shutter Island” de Martin Scorcese, on quitte alors la zone officielle et bienveillante de l’hôpital pour s’enfoncer dans des cavernes, des grottes mal éclairées où se dissimule le mal. Le médecin doux et compétent y devient un être cruel, égoïste, dépourvu d’éthique et aux intentions malveillantes.

Le chirurgien fou

Comme pour le docteur Jekyll et Mr Hyde, le docteur “a son pendant diabolique, le médecin expérimentateur, qui au nom de la science ou d’une obsession porte atteinte à l’intégrité du corps de ses patients”, explique Guy Lesoeurs.

Investi de la confiance d’une société qui s’en remet à lui pour survivre, il dispose de l’autorité, du savoir et des outils pour, paradoxalement, torturer, démembrer, greffer.

Le premier chirurgien fou apparaît dans le cultissime film expressionniste allemand “Le Cabinet du docteur Caligari” de Robert Wiene, en 1920. Les exemples ne manquent pas dans la culture cinématographique : “Docteur Frankenstein”, “La Piel que Habito”, “The Human Centipede” et d’autres œuvres montrent sans détour des chirurgiens se prêtant à des expériences gores, douloureuses et ignobles.

L’Histoire, notamment à travers les expérimentations des médecins nazis dans les années 1940, alimente ce cliché et cette peur. “A Cure For Life” joue parfaitement avec ces images ancrées dans notre culture, montrant un médecin prêt à tout infliger à ses “patients” pour arriver à ses fins.

Diminué par la maladie, le patient placé entre les mains du médecin est vulnérable, affaibli. Dans “A Cure For Life”, le héros déambule avec une jambe plâtrée pendant tout le film, persuadé qu’un accident de voiture lui a cassé la jambe. Il se retrouve vite, physiquement et mentalement, incapable de désobéir au corps médical ou d’échapper à son emprise. Les “soins” dispensés sont inévitables et deviennent l’objet d’inquiétude et de méfiance.

La médecine, cette science obscure qui nous fait peur

“The cure”, le traitement en anglais, est au centre du film de Gore Verbinski. Le centre suisse accueille les résidents, promet de les soigner. De quoi ? Eh bien de “cette maladie qu’il y a en chacun de nous” mentionnée dans la lettre que Pembroke, le responsable que Lockhart veut ramener aux États-Unis, écrit à son entreprise pour annoncer qu’il ne reviendra pas.

“Étymologiquement, le terme grec ‘pharmakon’ désigne à la fois le médicament et le poison, ce qui sauve et ce qui tue”, rappelle Guy Lesoeurs. “Dans l’inconscient collectif, cette dualité crée une méfiance à l’égard du traitement.” La notion psychanalytique d’effraction d’un corps étranger” crée une peur panique d’être empoisonné plutôt que soigné.

En s’opposant au traitement dans “A Cure For Life”, Lockhart souhaite se soustraire à l’autorité du corps médical. Coupé du monde, de tout repère, son obstination et sa colère sont interprétés par les médecins comme de la paranoïa.

Résultat : comme dans "Shutter Island", le spectateur se met à douter de la raison du héros. Le médecin – qui bénéficie culturellement de toute notre confiance – décrédibilise sa version des faits, attribue ses propos à sa maladie. “Je sais ce que vous êtes en train de faire : vous essayez de me faire croire que je suis fou”, lance Lockhart au médecin du centre.

Comme dans Shutter Island, l’intrigue de “A Cure For Life” laisse planer le doute. L’horreur vécue et observée par le héros est peut-être réelle, auquel cas le médecin est un monstre, un fou. Mais si c’est le héros qui est fou, alors rien n’est vrai, rien ne tient.

En jouant sur les deux interprétations possibles, le réalisateur joue avec la folie du personnage comme avec celle du spectateur. Un ressort classique qui joue avec nos frayeurs les plus inconscientes, selon Guy Lesoeurs : “Perdre la tête, c’est perdre la maîtrise, être à la merci des autres. La peur de devenir fou est inscrite en chacun de nous.”

Alors si votre séance de détartrage chez le dentiste vous donne l’impression d’être dans une scène de “Massacre à la tronçonneuse”, il est peut-être temps de prendre un peu de repos. Et de troquer vos thrillers hospitaliers pour un Disney ou une comédie américaine.

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